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L’intelligence artificielle est-elle une menace pour les créatifs ?

20 janvier 2023 | Par Valentin Simony

Au début du siècle dernier, les gains de productivité engendrés par la mécanisation agricole ont conduit les paysans à quitter les campagnes pour rejoindre les villes et travailler dans les usines. Puis, les machines et l’automatisation des chaînes de production ont amené les ouvriers à se spécialiser, ou à se reconvertir dans les métiers du tertiaire. La prochaine révolution du marché du travail trouve sa source dans l’intelligence artificielle. Cette fois-ci, beaucoup plus d’emplois pourraient être concernés. Les artistes aussi auraient du souci à se faire…

« 40% des emplois seront remplacés par l’intelligence artificielle dans 15 ans »

Kai Fu Lee, ancien PDG de Google Chine, expert en intelligence artificielle et auteur du livre « I.A. La plus grande mutation de l’histoire » nous prévient : 40% des emplois seront remplacés par l’intelligence artificielle dans 15 ans. 

La différence avec les précédents bouleversements de la configuration du marché du travail réside dans la nature des emplois auxquels va se substituer l’intelligence artificielle : des emplois hautement qualifiés dans des secteurs variés. 

L’IA va transformer la médecine, de la recherche en passant par le diagnostic ; les métiers du chiffre, comptables, gestionnaires financiers, analystes. Tous les métiers de collecte et de traitement de l’information peuvent potentiellement être remplacés – ou du moins augmentés – par l’intelligence artificielle. 

Les artistes et métiers créatifs aussi concernés. 

Cela fait plusieurs années que l’on entend dire que les métiers créatifs sont menacés par l’intelligence artificielle. Mais depuis début 2022, la technologie a fait un bond surprenant. Plusieurs outils ont démontré la puissance créative de leur algorithme. DALL-E, Midjourney, Stable diffusion permettent de créer des images à partir d’un simple texte. 

Les résultats sont stupéfiants !

Ces outils dopés au machine learning sont capables de reproduire tout style artistique, photo, dessin, peinture, 3D… Ils peuvent aussi reprendre les codes et techniques des artistes. Cela pose déjà des problèmes éthiques et de propriété intellectuelle. 

intelligence artificielle et métiers créatifsz
Quatre propositions de Midjourney pour un voilier à la campagne peint façon Claude Monet. 

Les designers, photographes, graphistes et autres créatifs ont-ils des raisons de se sentir menacés ? 

C’est une des questions que j’ai posées à François Grimault, Directeur artistique chez SLOOP. 

VS : L’intelligence artificielle fait de plus en plus débat dans les métiers créatifs, as-tu pu le constater ? 

FG : Il faut reconnaître qu’il est devenu difficile – voire impossible – de différencier le travail d’une IA de celui d’un humain. Et nous n’en sommes qu’au début. Ces outils open-source et ouverts à tous, rendent la technologie de création d’images par intelligence artificielle, hyper accessible. C’est simple, il suffit d’écrire ce que l’on veut produire. On pourrait croire que je schématise mais c’est en fait exactement ça : une simple requête sur un serveur discord génère quatre propositions graphiques en moins d’une minute. Alors évidemment, c’est devenu un sujet sur Twitter et dans les groupes de graphistes, illustrateurs ou même photographes.  

VS : Pense-tu que c’est une menace pour l’avenir de ces métiers ? 

FG : Je pense qu’il est encore un peu tôt pour affirmer cela. Après tout, la peur fantasmée du remplacement de l’homme par la machine ne date pas d’hier. Je pense que cela dépend de quel point de vue on se positionne. Plutôt que d’y voir une menace pour les artistes et pour les métiers créatifs, je pense qu’on peut aussi aborder cette technologie comme une opportunité, un moyen de gagner du temps dans les tâches répétitives, et l’apparition de nouvelles méthodes créatives. Après tout, l’appareil-photo numérique n’a pas tué le métier de photographe et Photoshop n’a pas remplacé les dessinateurs. A la limite j’y vois plus une menace pour les banques d’images.

VS : Vois-tu des limites à ces outils ? 

FG : Oui il existe des limites ; éthiques déjà ! Ces algorithmes sont paramétrés pour ne pas générer de contenus à caractère haineux par exemple. Et c’est tant mieux, mais c’est déjà une limite au champ de la créativité. Des limites techniques également puisque ces outils ont pour le moment du mal à générer correctement les visages. Mais nul doute que ces limites seront contournées rapidement, d’ailleurs certains outils commencent déjà à obtenir des résultats significatifs.

Je pense qu’on peut aussi parler de limites au résultat attendu. En effet, il faut savoir parler à la machine. Et s’il est facile de générer une image aléatoire à partir d’une idée dans le cadre d’une expérience ludique, il est bien plus compliqué d’utiliser ces outils comme des assistants pour atteindre le résultat souhaité. 

VS : Est-ce qu’on peut justement y voir une forme d’évolution des métiers créatifs ? 

FG : Oui tout à fait ! C’est une nouvelle facette du travail pour le créatif qui s’aventure sur ces méthodes de production. On peut même oser parler d’un nouvel art : celui de s’adresser à la machine. C’est l’art du brief, ou du prompt parfait, celui qui va permettre de s’approcher au mieux du résultat souhaité.

VS : Et c’est compliqué ? 

FG : Oui ce n’est pas évident. Ces algorithmes peuvent prendre en compte des milliers de critères. Si n’importe qui peut générer une image à partir de texte, il faut avoir un minimum de connaissances des techniques de peinture, de modélisation, de création, afin d’adresser le bon brief à la machine. Cela dit, les choses avancent tellement vite dans ce domaine que des outils existent déjà pour vous aider à construire vos prompts. 

VS : Aurais-tu un message à faire passer à tous ceux qui s’inquiètent des conséquences de l’intelligence artificielle pour les secteurs artistiques ?

FG : Je pense qu’avant d’avoir peur, il faut expérimenter la technologie et chercher à en tirer partie dans son travail. Quelle que soit la façon dont on appréhende ces outils, ils peuvent nous aider à gagner du temps, à trouver de l’inspiration, et pourquoi pas à répondre à certaines demandes low-cost plus facilement. 

A propos de l'auteur

Valentin Simony

INFLUENCE ET NOTORIÉTÉ

Valentin a embarqué chez SLOOP en 2022. Il a créé l’agence Ladgency rachetée par SLOOP dont il est aujourd’hui le directeur du pôle influence et notoriété. Il est spécialiste en référencement naturel et payant. Amateur de rétrogaming, il est l’auteur de « Comment les jeux vidéo sont devenus des objets de collection ». Passionné par les nouvelles technologies, il s'intéresse tout particulièrement aux sujets web3 et intelligence artificielle. Valentin est basé à Agon-Coutainville.

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