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Décentraliser les entreprises pour relocaliser, la nouvelle dynamique des territoires.

2 février 2023 | Par Jean-Baptiste Canivet

Ballotés depuis des années par les choix court-termistes de nos politiques, nous sommes désormais à la croisée des chemins, à la fin de l’insouciance ! Dans un monde en proie au dérèglement climatique annoncé depuis des décennies par des scientifiques autrefois ignorés – sinon moqués ou qualifiés d’oiseaux de mauvais augure – voici venu le temps de la sobriété.

Dans une France où nos ministres sortent cols roulés et doudounes pour affronter la crise de l’énergie, résultat de notre souveraineté énergétique jetée en pâture aux marchés financiers, nous y voici : à la fin de l’abondance ! Nous avons tout le loisir d’y penser dans les deux heures de file d’attente pour payer deux euros le litre d’essence rationnée. Crises, climat, énergie, morosité ambiante… Et si les solutions étaient dans nos territoires ? En effet, de plus en plus, les citadins fuient les grandes villes pour les campagnes ; les cadres en quête de sens quittent leur CDI… Comment nos campagnes, jusqu’alors adorées les seuls week-ends et jours fériés, sont devenues l’Ithaque de l’homo-urbanus ? Et pour les entreprises ?

Et si le monde rural est un terreau fertile à l’innovation ?

UN PLAN DE RELANCE QUI COMPTE SUR LES PETITES VILLES

Terminé de laisser les commerces fermer les uns après les autres. Fini de voir les familles dépeupler les villages et les écoles disparaître une à une. 

Chômage, désert médical, ennui… Les villages et petites villes français ont décidé de changer les choses et les municipalités relèvent leurs manches.

Le Gouvernement prend peu à peu conscience des potentiels de ces territoires délaissés et fait de l’agenda rural une composante essentielle de son plan de relance. En 2019, le Premier Ministre annoncait le programme « Petites villes de demain » qui avait pour objectif de « renforcer les fonctionnalités des petites villes afin d’améliorer le cadre de vie en milieu rural et de conforter leur rôle éminent dans la transition écologique et l’équilibre territorial. »

Jacqueline Gourault, alors ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, soulignait la résilience de ces petites villes et leur capacité à créer de la valeur. C’est la « nouvelle donne territoriale ». La conjoncture, si elle est depuis longtemps en faveur des cités urbaines, semble retourner sa veste au profit des territoires.

MAL ÊTRE ET QUÊTE DE SENS 

Les bullshit jobs – tels que les a nommés David Graeber – ont amené les citadins à reconsidérer leur valeur ajoutée. Et l’exercice de métiers manuels, notamment en Province, fait souvent figure de Graal dans leur quête de sens. Les exemples de cadres, généralement supérieurs,  qui ont quitté la cité pour se reconvertir dans l’artisanat à la campagne sont nombreux. Il y a fort à parier que la “grande démission” que semblent vivre les États-Unis et certains pays d’Europe et la nouvelle configuration du travail dans la société vont multiplier ces néoruraux

La crise de la Covid-19 et la situation oppressante des confinements successifs et des distanciations sociales tous masqués, ont très fortement accentué cette tendance en replaçant au centre des exigences les priorités et les aspirations de chacun : le temps, le sens, la nature. Et la planète. 

PLANÈTE ET CLIMAT : LA SOLUTION DANS LES VILLAGES ? 

Oui, la planète ! 

SI l’été 2022 nous a confirmé que  le dérèglement climatique est une réalité, il nous a surtout démontré que nous n’y sommes pas préparés. Summer is coming

Or des solutions existent, à toutes échelles, et nos petites villes et villages ne sont pas en reste quand il s’agit de faire preuve de responsabilité et de créativité ! Notamment quand le partage des ressources, la mutualisation des efforts, l’optimisation des chaînes logistiques sont autant de voies à explorer. Jardins communautaires, potagers partagés,circuits courts entre producteurs et consommateurs, sont autant d’exemples déjà bien installés, correctement documentés qui ont fait leurs preuves . 

Mais les initiatives ne s’arrêtent pas là, la gestion de la mobilité est un défi : face aux distances, et parfois à l’isolement, les solutions de covoiturage ou même de livraison à domicile se multiplient. La réponse est ici sociale comme environnementale. La création de tiers-lieu, tels que des coworkings, jusqu’ici apanage des grandes villes, est aussi envisagée consolidant ainsi l’hybridation du travail en cours et répondant aux besoins de ces néoruraux. 

Le cercle vertueux se met en place. 

ET LES ENTREPRISES DANS TOUT ÇA ? 

Elles n’ont pas attendu les fortes chaleurs ou les crises de l’énergie pour s’y préparer – le monde rural est un terreau fertile à l’innovation et aux solutions d’avenir  

Après le temps de la décentralisation, l’urgence de la relocalisation. 

Relocalisation des productions.

On l’a vu avec la crise sanitaire et la pénurie de masques ;  on le vit avec les ruptures de stocks de composants électroniques et la hausse du prix des matières premières ; la dépendance du secteur industriel est une vulnérabilité. Il est important de revivifier nos industries si nous ne voulons pas (trop) dépendre du reste du monde. Question de souveraineté !

L’Etat l’a compris et intervient car de nombreux secteurs sont concernés : santé, agroalimentaire, électronique, chimie, matériaux, télécommunications… C’est le programme “Territoires d’industrie” qui annonce le renouveau industriel local. 

Relocalisation de la production d’énergies. 

Pour l’énergie aussi, l’heure est à la décentralisation ; en témoigne le concept d’agrivoltaïsme. Ce procédé qui consiste à installer des panneaux solaires au-dessus des champs agricoles.

Outre le conflit d’occupation des sols – problématique primordiale dans un monde fini – qu’il contribue à résoudre, l’agrivoltaïsme apporte des revenus supplémentaires à l’agriculteur grâce à la location du terrain pour l’installation des infrastructures, mais aussi grâce aux rendements des productions améliorés (ombrage, protection des cultures contre la grêle… permis par les panneaux solaires). 

Relocalisation des talents

Grâce aux solutions numériques, le télétravail permet à de nombreuses entreprises de s’affranchir de la présence de leurs salariés dans les bureaux, parfois même, de se passer complètement de locaux. Et de réduire leurs coûts.  

On retrouve ainsi des entreprises dont les équipes sont totalement décentralisées. Elles proposent à leurs collaborateurs de vivre où ils le souhaitent et de travailler à distance. Un moyen pour les salariés d’améliorer leur qualité de vie et de renforcer leur autonomie grâce à une confiance valorisée. 

Et les avantages sont là. Les entreprises, décentralisées, découvrent de nouveaux marchés, de nouvelles opportunités. Elles s’investissent et deviennent parties prenantes d’initiatives locales. Un engagement qui leur permet de développer leur notoriété en même temps qu’elles soutiennent les développements économiques, sociaux et culturels locaux.

Selon une étude du site Zety, 95% des jeunes veulent un métier dont l’objectif ne se limite pas à gagner de l’argent, et la moitié d’entre eux exige que leur travail rende le monde meilleur. Ces entreprises sont à l’avant-garde de ces aspirations et changements sociétaux, et les premières à retravailler leur modèle d’organisation pour y répondre. Nul doute que cet effort anticipé d’adaptation sera bénéfique dans un monde en profonde mutation. 

Et dans le secteur de la communication

La décentralisation accélère aussi dans le secteur de la communication pourtant longtemps dominé par le marché parisien. Aujourd’hui, une nouvelle carte de France de la “com” se dessine. Le statut du siège social parisien, autrefois critère de sélection important pour les annonceurs, s’effrite au profit des agences de nos régions. Bien sûr, la crise sanitaire est passée par là, profitant largement au local et incitant les commerçants et artisans digitaliser leurs activités. Ils sont nombreux à avoir franchi le pas du numérique pendant la crise de la Covid, en déployant leur commerce sur Internet mais aussi en créant leurs premières publicités en ligne et en travaillant leur visibilité.

Une tendance loin d’être passagère puisque selon une étude Xerfi-Precepta, le numérique deviendra le premier support de publicité locale d’ici à 2024, détrônant ainsi la rue, la radio et les boîtes aux lettres. En parallèle – et bien que la tendance était palpable depuis des années – les indépendants se sont multipliés, les « freelances » travaillent de partout en France et sont devenus quasi-indispensable à la nouvelle configuration du marché du travail, et notamment dans le numérique. Il faut dire que le secteur s’est enrichi de nombreuses spécialités : référencement naturel, community manager, gestionnaires de campagnes, rédacteurs.

Ces métiers du web qui peuvent s’exercer à distance ont permis à de nombreux indépendants de s’établir partout en France, contribuant ainsi à dynamiser les tissus économiques de nos territoires.

A propos de l'auteur

Jean-Baptiste Canivet

CEO

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